Réflexions déconfinées

Le coronavirus vient de nous faire vivre une période inédite. Après 8 semaines de confinement ou semi-confinement, l’économie est en berne et le déconfinement commence, accompagné de son lot de questionnements et d’interrogations.

Tout le monde a été impacté par ce virus, qui n’a pas encore dit son dernier mot : nous avons eu peur, l’idée de la mort a envahi nos quotidiens, les familles ont été séparées, les amis éloignés, les écoles fermées et le travail devient une denrée rare qui ne peut plus s’effectuer comme avant.  Aujourd’hui, nous profitons du calme relatif de début de déconfinement pour partager quelques réflexions avec vous !

Revaloriser des corps de métier « invisibles »

Bien que difficile émotionnellement et personnellement, cette période nous a apporté aussi des choses positives et des élans de fraternité qui, nous l’espérons, perdureront après la crise.

Le personnel médical a été sous les projecteurs, applaudi, célébré et fêté dans le monde entier tous les jours à 20h. Entreprises et particuliers se sont mobilisés massivement pour les soutenir pendant le confinement : fabrication artisanale de visières plastiques, de masques et de blouses ; financement et livraison de paniers repas ou de courses ; nourriture et boissons offerts par les entreprises de restauration; constitution de chaîne solidaires pour garder leurs enfants,  etc.

D’autres corps de métier, d’ordinaire invisibles, dévalorisés se sont avérés indispensables à nos sociétés : les logisticiens, les facteurs et livreurs, les hommes et femmes de ménage, les caissières, les agriculteurs et maraîchers, les boulangers, les coiffeurs, les éboueurs. Nous pouvons évidemment ajouter à cette longue liste (malheureusement non exhaustive, toutes mes excuses aux métiers non cités!) le corps enseignant, qui est plus souvent conspué que salué, notamment en France.

Il est intéressant de noter que ces métiers, sans lesquels nous n’arrivons pas à fonctionner au quotidien, font partie des professions les plus mal rémunérées. Il est urgent de revaloriser le travail de ces personnes, qui sont en fait essentielles à nos sociétés. La prise de conscience collective e déconfinement ne doit pas nous faire oublier les services rendus

Changement de rythme et remise en question

Pour beaucoup d’entre nous, le rythme de vie s’est ralenti depuis le début du confinement, les emails et appels professionnels se tarissent, les journées sont moins remplies. Mais cette lenteur est-elle problématique en soi ? Que faisons-nous d’utile de ces 3 minutes gagnées en jouant des coudes dans les couloirs du métro ? Prendre du temps pour soi, ses proches, faire des activités intellectuelles ou artistiques n’est-il pas plus enrichissant personnellement ? Bien sûr, la cohabitation entre confinés n’est pas toujours facile, les pierres d’achoppement se multiplient mais c’est une occasion pour se redécouvrir et faire des activités oubliées : paresser, lire, écrire, dessiner, inventer des blagues, jouer, utiliser son imagination, se parler, faire des montages grotesques.

À l’inverse, d’autres subissent une pression accrue car ils ou elles doivent assurer la gestion simultanée des tâches ménagères, des enfants, des devoirs à la maison, de leur travail, des repas, de l’organisation pratique du télétravail. Il n’y a plus d’aide extérieure pour nous soutenir : cantine, baby-sitter, assistante maternelle, professeur, livraison à domicile, femme de ménage, pressing. Tout ou presque a dû s’arrêter, y compris l’entraide familiale. Le domicile est rarement configuré pour servir d’espace de coworking à 2 adultes, 1 adolescent et 1 un enfant en bas âge. Où sont passés les connexions internet, le standard téléphonique, les assistant.e.s, le service informatique, les cafés et les croissants de début de réunion, les imprimantes et leur stock infini de cartouches et de rames de papier ? Comment réconcilier ces multiples agendas si votre employeur vous contraint à conserver le même rythme de travail qu’habituellement, qu’il ne prend pas en compte vos contraintes familiales ou techniques ? Pourquoi mettre un tel niveau de stress sur ses collaborateurs alors qu’ils subissent déjà la pression de la situation sanitaire, la peur pour leurs proches « à risque », le cas de conscience de ne pas s’occuper correctement de leurs enfants, le stress de perdre maintenant leur emploi ?

Enfin, n’oublions pas tous ceux qui n’ont pas le luxe de se poser toutes ces questions. Les problèmes financiers s’accumulent dans la majorité des foyers, les emplois se raréfient et les situations se fragilisent. Le travail à distance n’est pas non plus accessible à tous. Comment faire du télétravail, comment réaliser l’école à la maison quand avoir un ordinateur, une connexion internet ou une imprimante est au-dessus de son budget ? Comment utiliser un ordinateur quand on ne maîtrise pas la lecture ? Comment continuer à masquer sa condition lorsque l’on doit participer à des visioconférences, et ainsi exhiber aux yeux de tous son intérieur ? Comment garder le sourire, conserver sa bonne humeur, apprécier le calme de la ville, lorsque le confinement vous réduit à la pauvreté et l’isolement ?

Consommation et responsabilités

Le confinement nous a forcés à consommer moins, différemment et plus localement. Il nous pousse à réfléchir aux chaînes de valeur créées ou détruites par ce que nous consommons. Nous devons nous interroger sur les comportements inhérents à nos sociétés de consommation. Les choix pléthoriques offerts par nos supermarchés sont-ils vraiment indispensables ? Doit-on laisser Amazon gouverner nos vies et nos envies ? Consommer des produits locaux et de saison ne permet-il pas de préserver et créer des emplois, de nous assurer une nourriture saine tout en valorisant le travail des agriculteurs ? Nos achats habituels sont-ils vraiment nécessaires ? Pourquoi devrions-nous assouvir nos désirs instantanément, est-ce réellement crucial ? Avoir une consommation plus sobre et raisonnée, est-ce vraiment un objectif insensé et inatteignable ?

Nous pouvons tous contribuer à repenser le monde de demain, pour qu’il soit plus équitable, plus durable et plus agréable. Il n’est plus acceptable de se cacher derrière l’inaction ou l’inefficacité supposée des grands organes nationaux ou internationaux pour justifier son propre immobilisme. Avoir la capacité d’opérer rapidement des changements est un luxe qui appartient aux plus privilégiés. Ce luxe n’est pas exempt de responsabilités.

La première responsabilité est de réaliser que nous détenons un pouvoir : le pouvoir de choisir son employeur, de remettre en question son impact et son utilité sociale, de mobiliser son entreprise pour l’intérêt général, de refuser le manque de considération et de respect, de dénoncer l’aberration du diktat français des horaires à rallonge, d’exiger que son employeur reconnaissance l’importance et l’apport de notre vie personnelle, de demander le maintien du télétravail pour une vie plus équilibrée et pour choisir son lieu de résidence au lieu de le subir, de contribuer à une véritable décentralisation. User collectivement de ce pouvoir permettra d’améliorer qualitativement sa propre vie puis de modifier les habitudes et comportements d’une entreprise, des salariés, voire d’une société. La multiplication des initiatives solidaires, poussées par l’État, des associations, des entreprises ou leurs salariés, pendant le confinement a montré le besoin de chacun de s’investir et la force de la coopération et de la solidarité.

La seconde responsabilité est d’acheter des produits dont le cycle de fabrication et de consommation sont en accord avec nos valeurs. De nombreux critères peuvent être mis en avant dans le choix de ses produits : une meilleure qualité, un label renommé, des conditions de travail décentes, un minimum de composants polluants, fabrication locale ou européenne, artisanale, avec des matériaux recyclés ou recyclables, en éco-conception, réparables, favorisant l’économie circulaire ou encore qui ont contribué à employer des individus en difficulté (troubles psychiques, réinsertion, handicap, etc.). Ce que nous consommons et utilisons quotidiennement façonne le monde de demain.

Le pouvoir de la carte de crédit

Dans nos sociétés dites « développées » où tout peut se consommer avec un prix minimum et une rentabilité maximale, le pouvoir principal réside dans la carte de crédit. Grâce à elle, nous pouvons choisir où l’on fait nos achats, décider de contribuer à la relocalisation industrielle de notre pays, boycotter les produits ayant parcouru des milliers de kilomètres, privilégier des mobilités peu polluantes, réduire nos déchets, consommer moins mais mieux, refuser les emballages inutiles, modifier nos comportements alimentaires pour le bien-commun… Dépenser en conscience devient un acte responsable, militant et politique.

L’usage que nous faisons de nos cartes de crédit oriente les choix stratégiques des entreprises plus fortement qu’une interview, une pétition ou un tract. Les plus privilégiés d’entre nous ont donc la capacité de faire évoluer la société grâce à leur important pouvoir d’achat. S’ils orientent ne serait-ce que la majorité de leurs dépenses vers des achats responsables, solidaires, durables, locaux et décents, alors les entreprises seront contraintes d’intégrer ce nouveau cahier des charges pour survivre. De nouvelles structures et de nouveaux métiers se créeront, la qualité responsable deviendra la norme et les prix finiront par devenir accessibles. Cela bénéficiera donc aussi aux plus démunis, aux invisibles, aux oubliés… c’est cela le ruissellement !

N’oublions pas que nous avons la chance de vivre dans des démocraties, et que le bulletin de vote est vraiment utile, quelle que soit l’élection… Et si aucun programme politique ne vous convient, vous pouvez vous engager dans la vie politique !

Nous vous proposerons régulièrement dans notre newsletter des idées pour consommer différemment, réduire votre empreinte écologique ou participer à la solidarité générale… Pensez à vous inscrire !

Et vous, qu’en pensez-vous ? Vous êtes-vous posé ces questions, quelles réponses y apporterez-vous, quelles problématiques vous touchent particulièrement ?

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