MEGA Social Foundation est engagée dans la lutte contre l’illectronisme et la fracture numérique. Pour atteindre ces objectifs, il faut que chaque personne s’approprie le monde numérique, ce qui passe par la connaissance de son empreinte numérique, la détection de « fake news », ou la compréhension du fonctionnement des logiciels utilisés et notamment des algorithmes.
L’algorithme
Le comportement individuel est extrêmement important, car chaque personne est responsable de ses actes, lesquels ont des conséquences fortes. Chaque acte est un choix, et donc un renoncement, et chaque acte génère des externalités positives ou négatives. Un acte isolé peut sembler anecdotique, inutile ou vide de sens. Pourtant, l’ensemble de nos actions, à tous et à toutes, façonne nos sociétés, ses mœurs, ses exigences, ses possibilités et ses lois. Réciproquement, nos choix sont aussi influencés par cette société. Notre capacité de prise de décision se dilue dans les techniques marketing, la publicité, les préjugés, la culture pop ou encore les algorithmes.
Un algorithme, qu’est-ce c’est? Un algorithme est une « suite ordonnée d’instructions qui indique la démarche à suivre pour résoudre une série de problèmes équivalents ». Plus simplement, c’est un programme informatique créé pour effectuer une tâche généralement complexe et répétitive, et résoudre des problèmes. L’algorithme permet ainsi à une app ou un logiciel d’effectuer des actions qui sont commandées par son code de base. Il n’est surtout pas intelligent, il ne fait que reproduire ce qu’un être humain lui a intimé de prendre en considération et il néglige ce qui n’est pas une variable intégrée à son code. Si l’algorithme a pour conséquence de véhiculer des clichés, il n’y est pour rien, il se contente de suivre les ordres… et contrairement à un humain il est bien incapable du contraire! L’algorithme n’est donc pas intrinsèquement machiste, romantique, raciste, féministe, à la mode, ni artiste.
Algorithme biaisé?
Intéressons-nous à l’application de rencontres Tinder, détenue par le groupe Match. Pourquoi spécifiquement cet algorithme? Il a aujourd’hui un rôle social et économique majeur puisque environ 10 millions de personnes l’utilisent, permettant à son groupe Match de générer 2,4Md$ de revenus et d’atteindre une capitalisation boursière vertigineuse de 41,8 milliards de dollars (au 15/3/2021). Cet algorithme a donc un impact évident sur les individus qui l’utilisent et, par ricochet, sur les sociétés qu’ils composent.
Jessica Pidoux, doctorante à Lausanne à l’Institut des humanités digitales de l’EPFL, travaille à démonter les rouages de l’algorithme de l’app de rencontres Tinder. Elle explique brillamment comment, en les introduisant dans son algorithme, l’app reproduit et amplifie certains biais sociaux, préjugés et clichés. Un exemple frappant: l’app part du principe que les hommes veulent des femmes plus jeunes et que la réciproque n’est pas vraie, et Tinder va donc proposer des profils qui, de base, respectent ce principe. Retrouvez les explications de Jessica Pidoux sur le podcast Vous de Camille François!
La journaliste Judith Duportail, autrice de « L’amour sous algorithme », a enquêté sur le ELO score de Tinder. Ce score détermine votre indice de « désirabilité », qui prend en compte votre profession, votre sexe, votre niveau d’études, votre âge ou encore votre taux de matchs (i.e. le nombre de fois où vous avez aimé un profil qui vous a aimé en retour). L’app vous proposera ensuite des matchs avec des personnes ayant des scores de désirabilité similaires… donc les personnes désirables ont le droit de voir d’autres personnes désirables tandis que les personnes classées comme peu désirables ne les verront jamais. Une nouvelle caste est née, merci les algorithmes!